Dans la plupart des théologies occidentales , Dieu est identifié ( et par là même limité ) au bien absolu , innocenté de tout mal , dont la responsabilité incombe à la seule créature qui choisit librement la voie du mensonge et du crime .
Ce point de vue entraine des paradoxes oppressants et insurmontables : si Dieu n'a pas "voulu" le mal comment a t'il pu modeler le monde imparfait et des créatures corruptibles ? Ou alors il faut admettre que Dieu n'est pas ce souverain tout puissant , ce Maitre incontestable ; il faut supposer qu'il partage son pouvoir avec un double maléfique, le Diable- et il cesse bien sûr d'être le créateur unique de toutes choses .
Abordée de cette manière , la question reste insoluble ; en dépit des plus belles acrobaties scholastiques , les philosophes et les théologiens y ont laissé leur latin .
Et nul n' jamais pu répondre au térrible "pourquoi ?" d'une mère effondrée devant le cadavre de son enfant . Si Dieu est infiniment bon, alors son oeuvre est un misérable ratage, malgré les pieux discours sur " les voies impénétrables de la providence".
Ayant rejeté la faute exclusivement sur l'homme ( péché originel ) , la mentalité religieuse issue de la bible nous a précipité, individuellement et collectivement , dans une espèce de croisade acharnée visant à extirper à tout prix le mal de l'univers . Un tel militantisme inspire des comportements de plus en plus contraignants , des entreprises de plus en plus totalitaires et névrotiques en vue d'éliminer le coté le coté pile du réel afin de n'en conserver que le coté face , comme si il pouvait y avoir le haut sans le bas ,la gauche sans la droite , le blanc sans le noir . "Nous sommes les enfants , les alliés , les soldats du seigneur . le seigneur est tout blanc : anéantissons le noir ! " Évidemment ,on peut dire le contraire , c'est ce que font les satanistes : " Le seigneur est tout noir , le blanc est une offense : supprimons le blanc ".
Autrement dit nous ne jouons pas au jeu du noir et du blanc , au jeu Universel du haut et bas, du marche -arrêt , du solide espace et du chacun tous , mais à celui du noir contre blanc ou, plus souvent du blanc contre noir . Alors ne comprenant pas que les pôles négatifs et positifs du rythme sont inséparables , nous craignons que le noir ne gagne la partie .Mais le jeu du "blanc doit gagner " n'est plus un jeu, c'est un combat - un combat hanté par un sentiment de frustration chronique , car agir ainsi est aussi bête qu'essayer de conserver les montagnes en se débarrassant des vallées . Voilà pourquoi depuis des millénaires, l'histoire de l'humanité se réduit à un conflit magnifiquement futile , à une parade splendide de triomphes et de tragédies fondées sur un tabou : celui qui s'oppose résolument à la reconnaissance du fait que le noir et le blanc vont de pair . Il n'y a sans doute pas d'autre exemple d'un rien qui n'aille nulle part avec une majesté aussi fascinante" .
Alan Watt , " Le livre de la sagesse" , Denoël) .